Catégorie : Ma vie d’auteure

Crie mon nom, bébé

Sur le principe, pourquoi pas. Je ne suis vraiment pas contre, chacun-e observe les pratiques de son choix. Je remarque simplement que c’est quelque chose qui revient souvent dans les scènes érotiques des romances au moment de l’orgasme. Passons sur le fait qu’il arrive fréquemment en simultanée pour les 2 partenaires, cet orgasme (je ne pourrais dire ce qu’il en est quand ils sont plus nombreux, je n’ai pas encore lu de scène de ce genre) (ne te sens pas obligé-e de m’en faire passer une)

[click_to_tweet tweet= »Crie mon nom, bébé. Ou pas. » quote= »Crie mon nom, bébé. Ou pas. »]

Question logistique, ça peut poser quelques soucis qui me viennent à l’esprit et que je suis heureuse de partager avec toi parce que je ne suis qu’altruisme et abnégation.

Il faut déjà voir de quel prénom on parle

Je te le dis tout de suite, selon le prénom, je trouve que ça a moins d’impact. Par exemple, l’héroïne vient de rencontrer un type qui s’appelle Pierre-Etienne. Tu crois que j’invente et tu ricanes bêtement devant ton écran. Sans utiliser le prénom de mon mari parce que je suis sympa, il en a un composé aussi, et pas courant. Ce n’est pas Pierre-Etienne, ses parents étaient vaches mais pas à ce point. Voici les réactions que je pourrais avoir si mon mari me demandait de crier son nom :

  • Je me mets à rire. Ce qui serait ballot. Et vexant pour lui. Salaud, donc. Mais je me connais, je rirais.
  • Je bafouille. Je rappelle que je suis en plein orgasme, les probabilités que je ne maîtrise pas tout à fait ma diction sont élevées. Alors déjà au naturel j’ai tendance à trébucher sur mes propres pieds, j’aime autant te dire qu’assaillie par une explosion d’endorphines, c’est la cata.
  • Je m’arrête à la première partie du prénom composé, toujours submergée par l’orgasme. Embarrassant. Est-ce que je crie vraiment son nom ? Ou celui d’un autre ?

Ensuite, admettons, le gars a un prénom non composé. Ça simplifie, certes. Mais admettons aussi qu’on ne parle plus de moi mais d’une héroïne de romance qui vient de le rencontrer. Appelons-le Jonathan et appelons-la Kelly. Et si elle se plante de prénom ? Faisons une petite simulation :

– Jouis pour moi, Kelly, crie mon nom. Maintenant.
– Oh, Alfred, oui je jouis pour toi.
– Hein ?
– Bryan, je voulais dire Bryan !
– Qui est Bryan ?
– Toi ?

Et là, c’est le drame. Sauf si Jonathan aime les jeux de rôle et pense que Kelly vient d’en initier un. Avec un peu de bol, elle peut s’en tirer avec un Bryan.

Mais bon, admettons, Kelly n’est pas aussi stupide et étourdie qu’elle en a l’air et se souvient de son prénom. Peut-être que Jonathan n’est pas très doué, au contraire, surtout que c’est leur première fois, et, alors qu’il lui ordonne de jouir pour lui (c’est un autre débat), Kelly ne sent rien venir. Imagine la confusion. Faisons une autre simulation (et tu vas voir que ce mot prend alors tout son sens) :

– Jouis pour moi, Kelly, crie mon nom. Maintenant.
– Euh… Jonathan ?
– C’est ça, bébé, jouis…
– Non, mais en fait, Jonathan ?
– Je savais que tu aimais ça, Kelly.
– Jonathan !

Et ça peut continuer comme ça un long moment, le gros quiproquos durant lequel Kelly tente d’avertir que ce n’est pas son clitoris mais son nombril qu’il touche, et Jonathan restant persuadé qu’il est un dieu du sexe au point que Kelly ne puisse pas se retenir de crier son nom. Embarrassant (bis).

Peut-être aussi que Kelly aimerait bien faire plaisir à Jonathan, mais que les murs qui la séparent de l’appartement d’à côté sont très fins, et qu’elle connaît très bien ses voisins.

– Jouis pour moi, Kelly, crie mon nom. Maintenant.
– Jonathan…
– Plus fort, bébé, je n’entends rien.
– Ça va pas être possible parce que…
– Encore plus fort !
– Non, mais en fait c’est que Madame Boulon est une vieille dame très sympathique et j’ai peur de la réveiller.

Donc vraiment, le coup du nom orgasmique, moi je dis, c’est pas gagné. Heureusement, en tant qu’auteur, on peut s’arranger pour que tous les critères soient réunis afin de permettre à Kelly de hurler le prénom de son amant sans souci. Mais à la fin de la scène, il me semble qu’il faudrait ajouter la mention : « Ne tentez pas de reproduire ceci chez vous sans vous assurer que votre situation correspond bien à la checklist suivante. »

Je me sens plus tranquille maintenant que j’ai partagé mes inquiétudes sur le sujet. Et pour la chanson qui illustre l’article, c’est cadeau. La prochaine fois que ton amant te demandera de crier son nom, peut-être que par un nouveau réflexe de Pavlov tu lui changeras un peu de Destiny’s child ?

Des auteurs, des cases et du dino porn

Traînant dans le milieu éditorial depuis quelques années maintenant, il y a des sujets de réflexion qui me reviennent régulièrement et parmi eux, celui de la case.

Les éditeurs, les commerciaux, les libraires et même parfois les lecteurs : tous veulent souvent ranger les auteurs dans des cases. En France en particulier, on aime que les auteurs restent bien à leur place. Ça ferait désordre qu’ils s’amusent à écrire dans plusieurs genres, non ?

Je lis de tout, vraiment de tout. Romance, thriller, témoignage, blanche, young adult, fantasy, développement personnel, poésie, dino porn (non je déconne, toujours pas), et j’ai envie d’écrire de tout également. Mais on me demande de rester à ma place.

Les naïfs.

Non, sérieusement, à quel moment les professionnels du milieu se sont dit que la création, l’inspiration et donc, l’écriture, pouvaient être bridées ? C’est totalement contre-productif, n’est-ce pas ? Et pourtant, c’est ainsi que cela fonctionne.

Alors un jour, on a cet auteur un peu innocent qui se met à écrire dans un autre genre que celui dans lequel il a déjà été publié, et qui se pointe chez un éditeur dont la ligne éditoriale correspond à son nouveau roman :

— Mais enfin, comment osez-vous ? Vous avez déjà publié du dino porn chez JurassicPornPublishing (JPP pour les intimes), si vous souhaitez que nous publiions votre dino thriller, il va falloir changer de pseudonyme, mon petit.
— J’aime bien mon nom d’auteur actuel, voyez-vous, car il s’agit de mon véritable nom.
— Dans ce cas, merci, au-revoir.

C’est presque du vécu-réel. Le dino porn mis à part. (le comique de répétition, ma spécialité) (pour ceux et celles qui me trouveraient encore trop subtile) (la subtilité, une autre de mes spécialités).

Je t’entends déjà d’ici, petit détracteur, te plaindre « Oui, mais les lecteurs ? Ils vont croire qu’ils achètent du dino porn et vont se retrouver avec un dino thriller ! »

Le lecteur est bien plus futé qu’on ne le pense… Il serait peut-être temps de lui faire confiance. Car il est aussi capable que n’importe qui de retourner le livre, lire la 4° de couverture, ce genre de choses qui ne prennent pas trop longtemps et sont de bons indicateurs du genre. Prenons un exemple tout simple :

Résumé #1
« Jonathan se réveille un jour couvert de sang, un couteau dans la main et plus aucun souvenir de la nuit passée. Il renifle l’hémoglobine sur son bras : aucun doute. Un regard par la fenêtre confirme ses craintes : des traces de pattes de T-Rex sont encore visibles dans la pelouse dévastée. Deux choix s’offrent à lui : prévenir la Brigade de Défense des Dinosaures, ou enquêter de son côté et découvrir ce qui a bien pu se produire. Une course contre la montre s’engage alors entre John et son ennemi juré : Denver, le dernier dinosaure. »

Résumé #2
« Il lui a tout donné, mais il lui a également tout pris. Kelly ne sait plus comment colmater les blessures qu’il lui a infligées au cœur et à l’âme. Elle quitte tout pour s’installer dans la propriété que sa grand-tante Philomène lui a léguée quelques mois plus tôt et qu’elle envisageait alors de vendre. Quelle n’est pas sa surprise en arrivant de découvrir que quelqu’un d’autre occupe les lieux ! Et pas n’importe qui, non, c’est son premier amour qui l’attend sur le pas de la porte, avec ses petits bras dont elle se souvient encore tellement en détail… Saura-t-elle donner une seconde chance au T-Rex qui a mangé sa jambe droite par erreur lors d’un de ses flashbacks de la Jurassic War II ? »

Attention, un détail un peu gore se cache dans le résumé de dino porn, ne tombez pas dans le piège.

Et donc, si le lecteur ne prend pas la peine de vérifier le livre qu’il achète, quel est le risque ? Oh mon Dieu ! Non ! Il pourrait découvrir un autre genre ! Lire l’auteur dans un autre genre que celui dans lequel il l’a déjà lu ! Que personne ne bouge ! Il faut empêcher cela, appelons Bruce Willis, je ne vois que lui pour éviter cette catastrophe en devenir !

La morale de cet article et simple : « Leave Britney alone ! »  Ou, en version moins drama queen : laissez les auteurs écrire dans le genre qui les inspire, arrêtez de vouloir les brider et ne lisez pas de dino porn*, en vous remerciant.

*Article sponsorisé par la FIDDDE**

**Fédération Internationale de Défense des Droits des Dinosaures Exploités

PS : tu noteras que j’ai fait un effort de mise en page. J’ai mis des trucs en gras. Et puis ça m’a gonflée et j’ai abandonné là mon envie de faire un joli article.

#PayeTonAuteur… mais pas trop, hein

Il y a quelques semaines, la communauté des auteurs-lecteurs se soulevait presque d’une même voix pour s’insurger lorsque Livre Paris refusait de rémunérer les auteurs lors des tables rondes et conférences proposées. Twitter, Facebook, Instagram… les réseaux sociaux ont obtenu gain de cause et le salon littéraire de référence français a capitulé. Bravo, c’est une belle victoire, il ne reste plus qu’à espérer que ça entre totalement dans les mœurs !

Aujourd’hui, pourtant, je discute d’un sujet avec des amies qui amènent à ma connaissance le cas du RARE qui aura lieu à Paris en avril 2019. Petit point sur ce qu’est le RARE : il s’agit d’un événement qu’on appellerait « salon littéraire » en France, axé sur la romance où les lecteurs payent leur entrée afin de rencontrer pas loin d’une centaine d’auteurs du genre. Jusque là, on connaît le principe. Mais aux US d’où vient ce salon, les auteurs doivent également payer pour avoir une table et rencontrer ces lecteurs. Pour des raisons diverses sur lesquelles je ne m’étendrai pas ici, c’est ainsi que ça fonctionne et c’est culturellement accepté. Chez eux.

Car en France, la plupart des auteurs publiés, à l’inverse, sont signés chez un éditeur. Dans le contrat d’édition classique, il est bien stipulé que l’éditeur s’engage à faire la promotion de l’ouvrage et de l’auteur à ses frais. C’est ce qu’on appelle un contrat à compte d’éditeur où l’auteur n’a rien à payer de sa poche pour la publication de son livre. Jusque là, je pense que je ne vous apprends rien, mais ça me semblait important de faire le point.

Aussi, quand j’ai reçu une invitation de la part des organisatrices du RARE, je les ai remerciées et je leur ai dit que je faisais suivre à mon éditeur, car c’est lui qui gère cet aspect de mon travail.

Pour assister en tant qu’auteur au RARE (ou à la RARE, je ne sais pas trop en fait) (et on s’en fout), il faut payer 350 euros de frais pour avoir une table. À cela s’ajoutent des frais de déplacement. Dans mon cas, venant de l’autre bout de la France, en arrondissant on arrive à 150 euros l’aller-retour si on s’y prend bien à l’avance. Et puis une nuit d’hôtel, car il m’est impossible de faire 11 heures de train dans la même journée. Donc allez, arrondissons à 70 euros (même si à Paris, ça signifie un hôtel un peu pourri mais, admettons). Si le repas est compris dans les frais du RARE, tous les repas ne le sont pas lorsqu’on est obligé de rester sur le week-end, comme moi. Ajoutons que lors de ces événements, il est de coutume de venir avec des goodies à offrir aux lecteurs, allez, soyons fous, arrondissons le coût de l’événement à 700 euros.

La RARE prévoit 700 visiteurs, ça tombe bien, ça va nous faciliter les choses pour la suite du calcul.

Sachant que je suis rémunérée à hauteur de 8% sur le prix public d’un livre qui se vend en moyenne dans les 15 euros, soyons encore un petit peu fous et arrondissons ce que je touche à la somme de 1 euro par livre.

Sur cet euro, il me faut retirer environ 10% d’impôts et 15% d’AGESSA. Il me reste donc 75 cents.

Si chaque visiteur ayant pris une entrée au RARE achetait un de mes livres (oui, j’ai dit qu’on était fous, car il est évident que rien de tel ne se produirait) (sauf si peut-être je menaçais les lecteurs avec une arme, mais il paraît que c’est interdit par la loi) (et je ne possède pas d’arme à part mon chat), je toucherais net 525 euros sur ce salon.

Cessons d’être fous un instant, et soyons réalistes, ça nous changera. Il est bien entendu utopique que les visiteurs achètent chacun un de mes romans. Sur la durée de l’événement, quelques heures, il est même complètement surréaliste d’imaginer, à mon niveau, que 10% des visiteurs achètent un de mes romans.

Donc, pour résumer et arrêter avec les chiffres, c’est un salon qui me coûterait plusieurs centaines d’euros de ma poche, si je devais m’y rendre en suivant les coutumes américaines de l’organisation.

Pourquoi, alors que c’est le travail de mon éditeur de gérer la communication, la promo, les événements etc., je m’amuserais à dépenser de l’argent que je n’ai pas, pour rencontrer mes lecteurs ? Lecteurs que j’aurais probablement déjà rencontrés 3 semaines avant, toujours à Paris, à l’occasion de Livre Paris où mon éditeur m’aura sûrement à nouveau invitée, en payant mon déplacement et ma nuit d’hôtel. Donc ce salon ne m’assurerait même pas une visibilité supplémentaire.

Si je comprends les différences culturelles et les respecte dans la mesure où elles n’ont aucun impact sur moi, je refuse tout simplement de m’y plier. Comme le dit mon très sage papa : à Rome, on vit comme les Romains. Oui, je sais, il s’agit de Paris, mais l’idée est là : en France, ce n’est pas ainsi que le système éditorial fonctionne.

Je ne jette nullement la pierre à celles qui se rendent au RARE, que ce soit les auteurs françaises ou les lectrices. Chacun fait bien comme il le souhaite. Mais puisqu’on m’envoie beaucoup de messages depuis que les auteurs du RARE de Paris 2019 ont été annoncés en me demandant pourquoi je n’y figure pas, il me semblait qu’une petite explication s’imposait.

Bien sûr, si mon éditeur n’avait que ça à faire de son budget communication et m’invitait, j’irais avec plaisir. Et je ne lui en veux pas étant donné les circonstances, il faut prioriser et je rappelle, pour les deux du fond qui ne suivent pas, que Livre Paris a lieu 3 semaines avant. Bien sûr, si j’étais en auto-édition, ça ferait parti de mon poste de dépenses « promotion » et j’irais sûrement. Mais dans l’état actuel de la situation, dépenser 700 euros n’a aucun intérêt pour moi. J’ai beaucoup d’autres occasions dans l’année de rencontrer mes lecteurs dans d’autres événements totalement pris en charge par mon éditeur.

Alors, #PayeTonAuteur, mais pas trop, hein. Fais-le plutôt payer, ce sera beaucoup plus drôle. Déjà qu’il a une situation précaire au niveau fiscal et juridique, il ne faudrait pas qu’il ait la prétention, à un moment, de se dégager un peu d’argent grâce à son activité. Après, il va croire qu’écrivain est un métier et se mettre dans la tête qu’il pourrait même en vivre… Ouf ! J’ai cru que mon statut allait être amélioré, on n’est pas passé loin ! #FaisPayerTonAuteur ou #ExploiteTonAuteur c’est sûr, ça sonne moins bien. Mais laissez-moi quelques jours, je suis sûre que je peux trouver un bon hashtag à faire tourner.

Pour conclure je dirais que dans l’absolu, je n’ai rien contre la RARE ayant lieu à Paris, mais je ne me sens tout simplement pas concernée par cet événement.

Allez, je retourne écrire. Parce qu’avec les 75 cents que je touche par livre, je prévois de faire plein de choses. Par exemple, combien coûte un Carambar, de nos jours ? Non, parce que je ne peux pas viser le pain au chocolat, hein (non, on ne dit pas « chocolatine ») (ah ah le petit pavé-débat, c’était gratuit, un rien m’amuse), c’est plus cher que ça. Maintenant, j’ai envie d’un pain au chocolat, c’est malin.

THE END

À chaque fois que je boucle un manuscrit, je me sens en mode conquête du monde. Invincible. Rien ne peut m’atteindre ni démolir mon enthousiasme.

Je pense en fait que lorsqu’on arrive au bout d’une histoire, on se prend un shot d’adrénaline. Je ne vois que ça.

Ça me rend même inconsciente car pendant quelques instants, j’oublie tout le reste.

Les corrections que je vais devoir apporter à mon texte après le passage des bêta-lectrices.

Les modifications que l’éditrice me demandera de faire.

Les corrections éditoriales.

Les corrections orthographiques, grammaticales, syntaxiques etc.

Tout ça, au moment où tu atteins ton objectif, n’a aucune importance. Parce qu’en mettant virtuellement le mot « FIN » (soyons sérieux, je ne l’écris jamais pour de vrai, on n’est pas dans « Ça cartoon »), j’ai l’impression que je vais pouvoir devenir la reine du monde.

C’est le meilleur moment pour faire de nouveaux projets, celui où on pense qu’on peut tout surmonter, tout accomplir. Sur ces bonnes paroles, si vous me cherchez dans les prochaines semaines, je serai en train de pleurer car probablement en plein dans les corrections.

Adieu.

Lettre ouverte aux détracteurs de la romance

Souvent, quand je rencontre quelqu’un et que nous échangeons les politesses d’usage sur nos activités respectives, cette personne commence par être admirative quand je dis être auteure. Puis j’ajoute « de romances » et l’admiration se transforme en honte mêlée de pitié. Je m’attends toujours à une petite tape sur la tête accompagnée d’un : « toutes mes condoléances pour votre cerveau ».

Il en va de même lorsque je participe en tant qu’auteure à un salon généraliste et que, à l’occasion de la soirée donnée pour les auteurs, ou même au détour d’une allée, chacun décline le genre dans lequel il sévit, comme on déclinerait son pédigrée. Face à des auteurs de polar, la romance fait rire, par exemple, et provoque un blanc, le véritable auteur (celui de polar, essayez de suivre) ne sachant pas trop quoi répondre sans vexer l’imposteur (l’auteur de romance, je précise, pour les deux du fond).

 

Oui, j’avoue prendre un certain plaisir à préciser « de romances » accolé à « je suis auteure », chose que j’étais un peu mal à l’aise de faire au début. Car les codes sociaux classent souvent la réussite selon deux critères : l’argent que l’on gagne et la noblesse du métier que l’on exerce. Et moi, c’était de la romance érotique que j’écrivais quand j’ai débuté. J’aime cumuler les tares. Dans le milieu de la littérature, il faut savoir que c’est une hérésie. Que dis-je : la romance, ce n’est même pas un sous-genre, ce n’est même pas considéré comme de la littérature. On la boude, on la snobe et on la laisse dans les rayons du supermarché où la ménagère va pouvoir acheter sa prochaine histoire mièvre entre la javel et le Cochonou.

Des histoires d’amour ? S’il vous plaît, soyons sérieux une minute : c’est un genre de décérébrées frustrées qui comblent le vide de leur vie sentimentale par des histoires toutes identiques qui répondent à des codes et des clichés aussi pathétiques que ladite vie sentimentale.

Que je sois heureuse, comblée, et épanouie, comme mes lectrices et lecteurs, ne leur vient pas à l’idée une seconde. J’ai eu ce journaliste au téléphone, il y a quelques mois, qui a tenté de me faire dire durant toute la durée de l’interview, que mon lectorat était surtout composé de femmes au foyer frustrées et malheureuses. Lorsque j’ai fini par lui répondre un peu sèchement que non, c’était loin d’être le cas et que, au contraire, le lectorat de romance était l’un des meilleurs à ma connaissance, il m’a dit qu’il avait de quoi rédiger son article et a coupé court à la conversation. Car bien entendu, il ne manquerait plus qu’il soit obligé de dire qu’on peut être sain d’esprit et lire/écrire des romances. Son articles était insipide et d’une banalité affligeante, d’ailleurs. Mais passons, ce n’est pas le propos. J’ai eu la chance de m’entretenir avec des journalistes sincèrement intéressé-e-s qui ont heureusement relevé le niveau. Mais pour d’autres, ils réagissent comme la majorité des gens : ça les dérange.

Si j’en suis réduite à écrire ce sous-sous-sous-genre, il y a forcément une explication logique. Ce ne peut être un choix personnel réalisé en toute conscience. Ils essaient de me sauver, car je dois être sauvée, il ne peut en être autrement. J’ai fait des études supérieures, de lettres en plus. Je n’ai pas le droit de gâcher ce temps passé à user les chaises de la fac avec de la romance. De. La. Romance. Hérétique, je vous dis. Est-ce le résultat d’un traumatisme de la petite enfance ? Un besoin irrépressible de colmater les blessures du passé ? Pourtant, mes parents en sont à 40 ans de mariage heureux sans une seule dispute dont j’ai été témoin. Mais il doit bien il y avoir une explication, bon sang ! Peut-être est-ce physiologique ? Génétique ? Elle ne peut avoir décidé de souiller son QI tout à fait respectable par des romances (prononcer avec une légère intonation de dégoût).

Et pourtant, personne n’a pointé un pistolet sur ma tempe un jour en me disant : « Écris une romance, morue, ou je te fais sauter la cervelle. »

Oui, j’aime écrire de la romance. Et attendez, je suis une des pires hérétiques qui soient parce qu’en plus, j’aime en lire. De l’érotique. De la contemporaine. De l’urban fantasy. De la chicklit. Du MM. De l’historique. Du romantic suspense. À peu près tous les genres de romance, le dino porn mis à part, parce que je trouve que le T-Rex a de trop petits bras pour une levrette et qu’il peut facilement perdre son équilibre et s’écrouler sur sa partenaire (humaine) qu’il étoufferait dans la manœuvre. Mais ça, c’est un autre débat.

La romance, il y en a partout. Dans la vie. Dans les films. Dans les chansons. Dans les livres (oui, même ceux qui ne sont pas des romances) (je sais, un exorcisme va être nécessaire pour votre cerveau) (la romance est fourbe : elle s’incruste où on l’attend le moins). Il suffit d’ouvrir ses yeux, ses oreilles et des histoires d’amour (qui sont la matière première du genre de la romance), il y en a partout. J’ai lu des thrillers gores avec en arrière plan une histoire d’amour. J’ai lu des romans historiques extrêmement bien documentés avec une romance en fil rouge. J’ai lu des biographies où les histoires d’amour de la personnalité étaient mises en avant. J’ai lu des young adult fantastiques avec une petite romance en toile de fond ou carrément au premier plan. Je sais, j’ignore encore si mes neurones y survivront, je suis comme ça, téméraire. Peut-être que si vous me rendez visite dans cinq ou dix ans, je serai un légume et les médecins, les plus grands spécialistes, auront diagnostiqué une dégénérescence cérébrale consécutive à l’infiltration de la romance dans mon esprit à présent annihilé. RIP.

Alors, si on a des histoires d’amour comme ça, un peu partout, et que tout le monde trouve ça tout à fait acceptable, pourquoi le choix de placer l’histoire d’amour au centre de l’intrigue mériterait la condescendance dont il est victime ? Pourquoi aime-t-on l’amour au second plan et méprise-t-on le même amour mis en lumière ?

Je vais paraphraser nos chers amis les Inconnus : il y a de la bonne romance, et de la mauvaise romance. Comme dans absolument tous les genres littéraires. C’est également un autre débat et parfois, une mauvaise romance va être celle qui représente tout le genre, pour une raison ou une autre, et va donner à l’ensemble de la production une image médiocre auprès du grand public. De la même façon qu’il arrive aussi, heureusement, qu’une très bonne romance soit représentative à son tour du genre. Quoi qu’il en soit, la romance est actuellement un des genres les mieux vendus, avec les polars et les livres de cuisine. Mais alors, n’est-ce pas un mystère mystérieux pour l’équipe de Scoobidoo : il y aurait donc des lecteurs de romances ? À moins que ces livres soient uniquement achetés dans le but de caler des meubles ? Ce qui dénoterait un gros souci au niveau des fabricants de meubles. Mais donc, il y aurait des lecteurs pour ce genre méprisé et condamné maintes fois ? Oui, j’emploie le masculin, car il y a des hommes qui lisent de la romance. Une révélation choc de plus. Mais ne vous inquiétez pas, on leur met généralement une petite clochette autour du cou pour que vous puissiez les repérer et les éviter. Sait-on jamais que ce soit contagieux. De la même manière que la lectrice de romance se localise de loin, car elle a dans ses mains un livre à la couverture usée où un grand blond aux cheveux longs, que nous appellerons Fabio parce que c’est son nom, pose à moitié nu, une jeune vierge au corsage en guenilles dans ses bras. Si vous apercevez l’un ou l’autre de ces spécimens : courez.

J’aime rêver, me laisser embarquer dans une histoire, m’évader et avoir droit à une fin digne de Disney à la « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » J’aime aussi lire Poppy Z. Brite. J’aime lire Barjavel. Mon roman préféré reste et restera Madame Bovary. J’ai lu au moins 10 fois Le Parfum. Je possède la plus belle édition du Seigneur des Anneaux disponible. Et je l’ai lue. Plusieurs fois. Je me régale avec Terry Pratchett qui nous manque cruellement. Je n’hésite pas à plonger dans un Bridget Jones ou un Ruta Sepetys. Sire Cédric côtoie Ai Yazawa dans ma bibliothèque, non loin de Françoise Dolto et La mécanique du cœur. Il y a aussi des Aventures & Passion et des guides sur les armes utilisées dans les premières guerres d’indépendance d’Écosse. Je lis des livres qui se finissent bien, mal, ou qui ne se finissent pas. Et quand bien même je ne lirais que des romances, j’ai envie de dire que ça ne regarderait que moi.

Mais la romance m’apporte, lorsque j’en ai envie (ou même besoin) l’assurance d’une fin heureuse, d’un message d’espoir, de soupirs et autres petits bonbons pour l’âme qu’elle seule est en mesure de me fournir. Car oui, la romance en tant que genre littéraire réunit deux éléments qui permettent de déterminer si un roman en est une : un couple en guise de personnages principaux, et une fin heureuse. Pour autant, les histoires d’amour se retrouvent partout, comme je l’ai dit plus haut, et même si toutes ne sont pas attribuables au genre stricto sensu de la romance, il n’en reste pas moins que c’est bien ce concept d’histoire d’amour qui s’incruste un peu partout. Pourquoi ? Sûrement parce que c’est la quête de tout être humain, ou presque (certains cherchent juste à dominer l’Univers, d’autres à manger le plus de hot dog possibles en un temps limité, ne jugeons pas les passe-temps qui diffèrent des nôtres).

Vous avez le droit de ne pas aimer la romance. Je suis pour la liberté d’expression. Et oui, vous avez également le droit de la dénigrer. Cracher dessus. L’amener au bûcher et la regarder de biais comme on zieute le petit cadeau qu’un chien a sympathiquement laissé sur le trottoir. Quant à moi, j’ai également le droit d’aimer en lire, en écrire, et de le dire sans raser les murs au cas où il prendrait l’envie à ses détracteurs de me balancer des œufs pourris à la figure pour que je réalise l’absurdité de mon choix. Je n’ai pas honte, je ne me sens pas inférieure à qui que ce soit à cause de mon genre de prédilection d’écriture et le lecture. Et comble du comble : il y a même des gens qui me lisent. Rassurez-vous, ce ne sont que des lectrices et lecteurs de romances, et si vous maintenez une bonne distance de sécurité avec eux, il ne vous arrivera rien.

Vous avez le droit de ne pas aimer la romance. Mais je n’ai pas besoin d’être sauvée. Je n’ai pas besoin d’être convaincue que je lis et j’écris de la merde, car pour moi, ça n’en est pas. C’est votre opinion et, que je sache, vous ne détenez pas plus la vérité absolue que moi. Certaines personnes me font penser à ces prêcheurs qui viennent sonner chez moi en me disant qu’il faut craindre la fin du monde approchant et qui tentent de me rallier à leur cause. Car, voyez-vous, je range ces gens bien intentionnés, bien pensant (sic) dans le même sac que ces démarcheurs de l’apocalypse : le sac où j’ai écrit en lettres capitales « ON S’EN TAPE ». (oui, ça méritait bien des majuscules, du gras et de l’italique)

Comme le disait si bien l’autre : ma liberté s’arrête où commence celle d’autrui. J’estime ne faire de tort à personne en lisant et en écrivant de la romance. Je respecte tous les genres littéraires (oui, même le dino porn) (non, je déconne, je n’ai aucun respect pour la zoophilie) et j’attends le même respect en retour, car lire ce que beaucoup considèrent comme une sous-littérature ne fait pas de moi une sous-personne ou une sous-auteure.

Et ne me lancez pas sur le sujet du féminisme et de la romance, on va y passer la nuit.