Mois : février 2018

Lettre ouverte aux détracteurs de la romance

Souvent, quand je rencontre quelqu’un et que nous échangeons les politesses d’usage sur nos activités respectives, cette personne commence par être admirative quand je dis être auteure. Puis j’ajoute « de romances » et l’admiration se transforme en honte mêlée de pitié. Je m’attends toujours à une petite tape sur la tête accompagnée d’un : « toutes mes condoléances pour votre cerveau ».

Il en va de même lorsque je participe en tant qu’auteure à un salon généraliste et que, à l’occasion de la soirée donnée pour les auteurs, ou même au détour d’une allée, chacun décline le genre dans lequel il sévit, comme on déclinerait son pédigrée. Face à des auteurs de polar, la romance fait rire, par exemple, et provoque un blanc, le véritable auteur (celui de polar, essayez de suivre) ne sachant pas trop quoi répondre sans vexer l’imposteur (l’auteur de romance, je précise, pour les deux du fond).

 

Oui, j’avoue prendre un certain plaisir à préciser « de romances » accolé à « je suis auteure », chose que j’étais un peu mal à l’aise de faire au début. Car les codes sociaux classent souvent la réussite selon deux critères : l’argent que l’on gagne et la noblesse du métier que l’on exerce. Et moi, c’était de la romance érotique que j’écrivais quand j’ai débuté. J’aime cumuler les tares. Dans le milieu de la littérature, il faut savoir que c’est une hérésie. Que dis-je : la romance, ce n’est même pas un sous-genre, ce n’est même pas considéré comme de la littérature. On la boude, on la snobe et on la laisse dans les rayons du supermarché où la ménagère va pouvoir acheter sa prochaine histoire mièvre entre la javel et le Cochonou.

Des histoires d’amour ? S’il vous plaît, soyons sérieux une minute : c’est un genre de décérébrées frustrées qui comblent le vide de leur vie sentimentale par des histoires toutes identiques qui répondent à des codes et des clichés aussi pathétiques que ladite vie sentimentale.

Que je sois heureuse, comblée, et épanouie, comme mes lectrices et lecteurs, ne leur vient pas à l’idée une seconde. J’ai eu ce journaliste au téléphone, il y a quelques mois, qui a tenté de me faire dire durant toute la durée de l’interview, que mon lectorat était surtout composé de femmes au foyer frustrées et malheureuses. Lorsque j’ai fini par lui répondre un peu sèchement que non, c’était loin d’être le cas et que, au contraire, le lectorat de romance était l’un des meilleurs à ma connaissance, il m’a dit qu’il avait de quoi rédiger son article et a coupé court à la conversation. Car bien entendu, il ne manquerait plus qu’il soit obligé de dire qu’on peut être sain d’esprit et lire/écrire des romances. Son articles était insipide et d’une banalité affligeante, d’ailleurs. Mais passons, ce n’est pas le propos. J’ai eu la chance de m’entretenir avec des journalistes sincèrement intéressé-e-s qui ont heureusement relevé le niveau. Mais pour d’autres, ils réagissent comme la majorité des gens : ça les dérange.

Si j’en suis réduite à écrire ce sous-sous-sous-genre, il y a forcément une explication logique. Ce ne peut être un choix personnel réalisé en toute conscience. Ils essaient de me sauver, car je dois être sauvée, il ne peut en être autrement. J’ai fait des études supérieures, de lettres en plus. Je n’ai pas le droit de gâcher ce temps passé à user les chaises de la fac avec de la romance. De. La. Romance. Hérétique, je vous dis. Est-ce le résultat d’un traumatisme de la petite enfance ? Un besoin irrépressible de colmater les blessures du passé ? Pourtant, mes parents en sont à 40 ans de mariage heureux sans une seule dispute dont j’ai été témoin. Mais il doit bien il y avoir une explication, bon sang ! Peut-être est-ce physiologique ? Génétique ? Elle ne peut avoir décidé de souiller son QI tout à fait respectable par des romances (prononcer avec une légère intonation de dégoût).

Et pourtant, personne n’a pointé un pistolet sur ma tempe un jour en me disant : « Écris une romance, morue, ou je te fais sauter la cervelle. »

Oui, j’aime écrire de la romance. Et attendez, je suis une des pires hérétiques qui soient parce qu’en plus, j’aime en lire. De l’érotique. De la contemporaine. De l’urban fantasy. De la chicklit. Du MM. De l’historique. Du romantic suspense. À peu près tous les genres de romance, le dino porn mis à part, parce que je trouve que le T-Rex a de trop petits bras pour une levrette et qu’il peut facilement perdre son équilibre et s’écrouler sur sa partenaire (humaine) qu’il étoufferait dans la manœuvre. Mais ça, c’est un autre débat.

La romance, il y en a partout. Dans la vie. Dans les films. Dans les chansons. Dans les livres (oui, même ceux qui ne sont pas des romances) (je sais, un exorcisme va être nécessaire pour votre cerveau) (la romance est fourbe : elle s’incruste où on l’attend le moins). Il suffit d’ouvrir ses yeux, ses oreilles et des histoires d’amour (qui sont la matière première du genre de la romance), il y en a partout. J’ai lu des thrillers gores avec en arrière plan une histoire d’amour. J’ai lu des romans historiques extrêmement bien documentés avec une romance en fil rouge. J’ai lu des biographies où les histoires d’amour de la personnalité étaient mises en avant. J’ai lu des young adult fantastiques avec une petite romance en toile de fond ou carrément au premier plan. Je sais, j’ignore encore si mes neurones y survivront, je suis comme ça, téméraire. Peut-être que si vous me rendez visite dans cinq ou dix ans, je serai un légume et les médecins, les plus grands spécialistes, auront diagnostiqué une dégénérescence cérébrale consécutive à l’infiltration de la romance dans mon esprit à présent annihilé. RIP.

Alors, si on a des histoires d’amour comme ça, un peu partout, et que tout le monde trouve ça tout à fait acceptable, pourquoi le choix de placer l’histoire d’amour au centre de l’intrigue mériterait la condescendance dont il est victime ? Pourquoi aime-t-on l’amour au second plan et méprise-t-on le même amour mis en lumière ?

Je vais paraphraser nos chers amis les Inconnus : il y a de la bonne romance, et de la mauvaise romance. Comme dans absolument tous les genres littéraires. C’est également un autre débat et parfois, une mauvaise romance va être celle qui représente tout le genre, pour une raison ou une autre, et va donner à l’ensemble de la production une image médiocre auprès du grand public. De la même façon qu’il arrive aussi, heureusement, qu’une très bonne romance soit représentative à son tour du genre. Quoi qu’il en soit, la romance est actuellement un des genres les mieux vendus, avec les polars et les livres de cuisine. Mais alors, n’est-ce pas un mystère mystérieux pour l’équipe de Scoobidoo : il y aurait donc des lecteurs de romances ? À moins que ces livres soient uniquement achetés dans le but de caler des meubles ? Ce qui dénoterait un gros souci au niveau des fabricants de meubles. Mais donc, il y aurait des lecteurs pour ce genre méprisé et condamné maintes fois ? Oui, j’emploie le masculin, car il y a des hommes qui lisent de la romance. Une révélation choc de plus. Mais ne vous inquiétez pas, on leur met généralement une petite clochette autour du cou pour que vous puissiez les repérer et les éviter. Sait-on jamais que ce soit contagieux. De la même manière que la lectrice de romance se localise de loin, car elle a dans ses mains un livre à la couverture usée où un grand blond aux cheveux longs, que nous appellerons Fabio parce que c’est son nom, pose à moitié nu, une jeune vierge au corsage en guenilles dans ses bras. Si vous apercevez l’un ou l’autre de ces spécimens : courez.

J’aime rêver, me laisser embarquer dans une histoire, m’évader et avoir droit à une fin digne de Disney à la « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » J’aime aussi lire Poppy Z. Brite. J’aime lire Barjavel. Mon roman préféré reste et restera Madame Bovary. J’ai lu au moins 10 fois Le Parfum. Je possède la plus belle édition du Seigneur des Anneaux disponible. Et je l’ai lue. Plusieurs fois. Je me régale avec Terry Pratchett qui nous manque cruellement. Je n’hésite pas à plonger dans un Bridget Jones ou un Ruta Sepetys. Sire Cédric côtoie Ai Yazawa dans ma bibliothèque, non loin de Françoise Dolto et La mécanique du cœur. Il y a aussi des Aventures & Passion et des guides sur les armes utilisées dans les premières guerres d’indépendance d’Écosse. Je lis des livres qui se finissent bien, mal, ou qui ne se finissent pas. Et quand bien même je ne lirais que des romances, j’ai envie de dire que ça ne regarderait que moi.

Mais la romance m’apporte, lorsque j’en ai envie (ou même besoin) l’assurance d’une fin heureuse, d’un message d’espoir, de soupirs et autres petits bonbons pour l’âme qu’elle seule est en mesure de me fournir. Car oui, la romance en tant que genre littéraire réunit deux éléments qui permettent de déterminer si un roman en est une : un couple en guise de personnages principaux, et une fin heureuse. Pour autant, les histoires d’amour se retrouvent partout, comme je l’ai dit plus haut, et même si toutes ne sont pas attribuables au genre stricto sensu de la romance, il n’en reste pas moins que c’est bien ce concept d’histoire d’amour qui s’incruste un peu partout. Pourquoi ? Sûrement parce que c’est la quête de tout être humain, ou presque (certains cherchent juste à dominer l’Univers, d’autres à manger le plus de hot dog possibles en un temps limité, ne jugeons pas les passe-temps qui diffèrent des nôtres).

Vous avez le droit de ne pas aimer la romance. Je suis pour la liberté d’expression. Et oui, vous avez également le droit de la dénigrer. Cracher dessus. L’amener au bûcher et la regarder de biais comme on zieute le petit cadeau qu’un chien a sympathiquement laissé sur le trottoir. Quant à moi, j’ai également le droit d’aimer en lire, en écrire, et de le dire sans raser les murs au cas où il prendrait l’envie à ses détracteurs de me balancer des œufs pourris à la figure pour que je réalise l’absurdité de mon choix. Je n’ai pas honte, je ne me sens pas inférieure à qui que ce soit à cause de mon genre de prédilection d’écriture et le lecture. Et comble du comble : il y a même des gens qui me lisent. Rassurez-vous, ce ne sont que des lectrices et lecteurs de romances, et si vous maintenez une bonne distance de sécurité avec eux, il ne vous arrivera rien.

Vous avez le droit de ne pas aimer la romance. Mais je n’ai pas besoin d’être sauvée. Je n’ai pas besoin d’être convaincue que je lis et j’écris de la merde, car pour moi, ça n’en est pas. C’est votre opinion et, que je sache, vous ne détenez pas plus la vérité absolue que moi. Certaines personnes me font penser à ces prêcheurs qui viennent sonner chez moi en me disant qu’il faut craindre la fin du monde approchant et qui tentent de me rallier à leur cause. Car, voyez-vous, je range ces gens bien intentionnés, bien pensant (sic) dans le même sac que ces démarcheurs de l’apocalypse : le sac où j’ai écrit en lettres capitales « ON S’EN TAPE ». (oui, ça méritait bien des majuscules, du gras et de l’italique)

Comme le disait si bien l’autre : ma liberté s’arrête où commence celle d’autrui. J’estime ne faire de tort à personne en lisant et en écrivant de la romance. Je respecte tous les genres littéraires (oui, même le dino porn) (non, je déconne, je n’ai aucun respect pour la zoophilie) et j’attends le même respect en retour, car lire ce que beaucoup considèrent comme une sous-littérature ne fait pas de moi une sous-personne ou une sous-auteure.

Et ne me lancez pas sur le sujet du féminisme et de la romance, on va y passer la nuit.

Livre Paris 2018

Je serai présente à Livre Paris avec Nous Deux À L’Infini, sur le stand P39 des éditions Harper Collins France, le samedi 17 mars, de 13h00 à 14h00, en compagnie de mon amie auteure Lucie Castel ! Nous espérons vous rencontrer nombreux-ses durant cette heure unique de dédicace à Livre Paris !